Alpha : Julia Ducournau, au cœur de la peur transmise
Palme d’or en 2021 pour Titane, Julia Ducournau revient en Compétition avec Alpha, un film plus intime, sans renier ses obsessions de cinéaste.
Alpha a 13 ans. Elle vit seule avec sa mère et traverse une adolescence tourmentée. Lorsqu’elle rentre d’une soirée avec un tatouage : le geste anodin en apparence déclenche une onde de choc dans son foyer. Le film se déroule entre les années 1980 et 1990. Julia Ducournau y injecte une épidémie fictive qui évoque clairement celle du Sida, ce qui n’est pas sans rappeler Mauvais Sang de Leos Carax.
Elle-même enfant à l’époque de l’émergence du VIH, la réalisatrice se souvient : « d’une peur contagieuse, de la honte de toute une partie de la population, et de la façon dont la société a refusé de prendre ce problème à bras-le-corps et d’admettre qu’il nous concernait tous. » Et d’ajouter dans une interview accordée à Vanity Fair : « Il s’agit d’une réflexion sur la façon dont cette peur a été transmise et sur l’impact qu’elle a eu sur ma génération. »
Si Alpha s’éloigne du body horror frontal qui faisait la signature de Titane et Grave, Julia Ducournau continue d’explorer les mutations du corps, en particulier à l’adolescence. Mélissa Boros, qui incarne Alpha, s’inscrit dans la lignée de Garance Marillier (Grave) et Agathe Rousselle (Titane) : un corps en devenir, au centre du chaos.
Face à la mère célibataire, interprétée par Golshifteh Farahani, un autre personnage clé : Amin, l’oncle d’Alpha, atteint par le virus. Julia Ducournau a confié ce rôle à Tahar Rahim, auquel elle a imposé une transformation physique radicale — à l’opposé du Vincent Lindon bodybuildé de Titane. Amaigri de près de 20 kilos, l’acteur avait suscité l’émotion lors de la promotion du biopic Monsieur Aznavour, en laissant entrevoir l’ombre portée d’Alpha.