Un poeta, le regard de Simón Mesa Soto
Second long métrage pour Simón Mesa Soto, metteur en scène d’Amparo, en sélection à la Semaine de la critique en 2021. Le réalisateur colombien, lauréat de la Palme d’or du court métrage en 2014 (Leidi) se lance dans le registre comique avec le fantasque Un Poeta.
Quelle est la genèse de ce film ?
J’ai un temps envisagé d’abandonner le cinéma, après mon premier film. Une sorte de crise existentielle. Autour de la trentaine, je sentais qu’il fallait que je trouve la stabilité économique que le cinéma ne m’apportait pas. J’ai envisagé de me consacrer entièrement à mon autre métier, celui de professeur. Puis je me suis imaginé dans une vingtaine d’années. Qui deviendrais-je si j’abandonnais la folie du cinéma ? Le pire scénario pour moi était de devenir l’un de ces professeurs qui ont peut-être eu un éclair de génie dans leur jeunesse, mais devenus des vieux briscards frustrés vivant de leurs souvenirs. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire un film sur la pire version de moi-même dans quelques années, afin d’éviter d’en arriver là. Mais je voulais le faire par le biais de la comédie, pour rire un peu de moi-même et des dilemmes de la création artistique. L’univers des poètes de Medellín m’a toujours semblé intéressant et drôle. J’ai donc pensé que le film serait plus convaincant s’il parlait d’un poète.
Pouvez-vous décrire votre méthode de travail, et l’atmosphère de tournage ?
J’ai beaucoup travaillé sur le scénario et essayé de définir les personnages dès le départ, et je me suis beaucoup appuyé sur ce qui était écrit. Nous avons travaillé avec les acteurs deux mois avant le tournage, les arcs dramatiques, les dialogues. Nous avons tourné le film en Super 16 mm et n’avions pas beaucoup de pellicule. En moyenne, nous avons fait 2 à 3 prises par plan. L’objectif était que les acteurs arrivent au tournage avec une compréhension très profonde de leur personnage, de leurs répliques et de leurs actions dans chaque scène.
Concernant le tournage, j’ai voulu que l’on apprécie son processus. C’était très amusant et le fait qu’il s’agisse d’une comédie a beaucoup aidé. Le scénario comportait un grand nombre de scènes pour seulement 30 jours de tournage.
Parlez-nous de vos acteurs.
Nous avions une combinaison d’acteurs professionnels et non professionnels, issus du même univers que celui de l’histoire. Au début, je voulais que le personnage principal soit un professionnel, mais un ami m’a envoyé le profil Facebook de son oncle et m’a dit « c’est ton poète ». C’était Ubeimar Ríos. Je l’ai d’abord trouvé trop particulier, trop comique. Je suis allé chez Ubeimar pour faire un petit test. Il n’est pas acteur, mais sa façon de parler, de bouger et sa personnalité m’ont tout de suite impressionné, et je lui ai complètement confié le personnage. Il a changé Óscar, il l’a fait sien. Il l’a rendu plus attachant. Ubeimar est professeur de philosophie dans un lycée, mais il est très actif dans le domaine artistique : il organise un festival de poésie, a un groupe de hard-rock. Il a dû quitter un peu sa vie pour devenir acteur et, par conséquent, notre poète.
Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de votre film ?
Je voulais que l’histoire du film soit universelle, mais j’ai aussi beaucoup pensé au public de mon pays. En Colombie, les gens ne sont pas très proches des films que nous, cinéastes colombiens, réalisons. Je voulais donc me rapprocher de notre public sans compromettre les valeurs narratives et artistiques du film.